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Souveraineté numérique : écosystème numérique français chance et faiblesse…

Source: Pixabay

Depuis plusieurs mois, la thématique de la souveraineté industrielle et numérique est apparue sur le devant de la scène. La crise pandémique que nous traversons n’a fait que mettre en lumière notre dépendance industrielle et numérique vis-à-vis de puissances étrangères dont les intérêts commerciaux ou géostratégiques peuvent converger ou diverger des nôtres.

La mise en lumière de cette prise de conscience a été la réaction des acteurs du numérique français lors de l’affaire du Data Hub Santé. Le résultat de cette prise de conscience a été la création d’un collectif à l’origine de l’appel du 9 avril 2020. Si à titre personnel, je suis un fervent soutien de cette initiative, je vais essayer de vous exposer ici les forces et les faiblesses de notre écosystème du numérique français.

Ce qui a motivé aussi l’écriture de cet article c’est lorsque sur un sujet de pointe, l’Intelligence Artificielle, un de nos brillants cerveaux Antoine Blondeau a créé son entreprise spécialisée Sentient Technology® (JDN) en IA en Californie et non en France…

Notre écosystème numérique

Comme beaucoup au début j’avais la vision d’un monde numérique essentiellement peuplé de solutions américaines ou chinoises. S’il est vrai que ce sont-elles qui tiennent le haut du pavé médiatique, y compris dans la presse spécialisée, lorsque l’on s’intéresse au sujet, on découvre un écosystème riche et bouillonnant.

Lors des premières semaines passées avec le collectif PlayFrance.Digital, l’une des premières activités a été de créer un premier mapping des acteurs français du numérique, il n’est pas exhaustif, mais déjà montre une richesse insoupçonnée :

Source: PlayFrance.Digital

Dans cette carte, nous avons environ 300 acteurs, mais il y en a bien plus. Ils couvrent des secteurs comme l’hébergement, le stockage, le marketing, la conformité, les messageries ou les plateformes de travail collaboratif…

Dans ce tableau rapidement brossé, nous avons des acteurs établis qui ne sont plus des start-ups, mais de solides entreprises comme dans le secteur de l’hébergement où nous trouvons de belles solutions comme OVH Cloud, ou Outscale (Par Dassault Système) …

Nous trouvons  aussi de vraies Start-ups innovantes et prometteuses comme par exemple Olvid qui propose une messagerie sécurisée performante ou des modèles comme Tresorio (hébergement couplé à la fourniture d’eau chaude sanitaire), Smanck (plateforme collaborative) et bien d’autres.

Nous avons des solutions spécialisées performantes dans différents domaines comme :

  • La santé, une solution comme 4mg Transparency qui propose aux industriels de maîtriser leur conformité vis-à-vis de la Loi Transparence, je reconnais que je ne suis pas complètement objectif, compte tenu de mon accompagnement à cette aventure… Nous avons aussi Iktos, pépite spécialisée en Intelligence Artificielle (IA) pour définir de nouvelles molécules thérapeutiques.
  • Le marketing avec Kwanko qui est bien implantée maintenant, ou encore ContentSquare une start-up incubée à l’Essec qui est partie à la conquête du marché américain (article)
  • La défense avec quelques belles solutions (article), dont l’une des plus emblématiques est Earthcube qui devient Preligens, proposant des solutions d’analyse d’images satellites par l’IA, pour la reconnaissance d’objets et l’aide à l’analyse des menaces géostratégiques.

Ces start-ups et entreprises du numérique que je vous ai rapidement présentées sont l’exemple de la vitalité de notre écosystème. Il y en aurait bien d’autres qui auraient eu leur place ici…

Les forces de notre écosystème

Un des éléments sur lequel repose ce foisonnement d’entreprises du numériques est de mon point de vue un système éducatif et de recherche performant, qui permet de produire des individus ayant une forte culture scientifique et de l’ingénierie. Ce point est crucial, mais force est de constater qu’il en pleine déliquescence (Classement PISA), notamment dans les mathématiques qui a été longtemps un des points forts français et indubitablement clé dans l’économie numérique…

Un autre élément clé est que nous avons un système social et d’aides pour les phases précoces de l’entrepreneuriat qui est assez unique au monde. Ces aides financières au démarrage se retrouvent tant au niveau national, qu’au niveau régional. Et notre système de protection contre le chômage a mis des mécanismes en place pour ceux qui veulent créer leur activité (Chambre de Commerce et de l’Industrie – CCI). S’ajoutent à ces mécanismes, d’autres initiatives privée/publiques notamment sur la création d’incubateur comme la Station F, mais aussi nos grandes écoles d’ingénieurs ou business school, qui proposent leurs incubateurs.

L’autre aspect qui peut nous rassurer sur la qualité de notre écosystème, c’est qu’il est le terrain de chasse de grands groupes américains soucieux de s’enrichir de nouvelles technologies (acquisition des brevets) ou d’acquérir des segments de clientèle complémentaires des leurs. Si cela est rassurant sur la qualité des offres françaises, c’est plus inquiétant sur l’aspect souveraineté numérique et industrielle…

Les faiblesses de notre écosystème

Pour d’aucun, l’une des faiblesses de notre écosystème serait la multiplicité des offres assez voisines, qui au final se feraient concurrence. S’il est vrai que nous avons un foisonnement de solutions assez proches, notamment sur les plateformes collaboratives ou sur les offres d’outils marketing, elles sont de mon point de vue suffisamment différenciées pour s’adapter à des types de clientèles et d’usages différents. Je tempérerais donc cette vision de faiblesse de notre écosystème.

La faiblesse majeure sur les dernières années, de mon point de vue est principalement liée à un non-soutien de cet écosystème par nos dirigeants économiques et politiques. Ils sont pour la plupart dans l’incapacité de comprendre les enjeux du numérique et ses impacts sur l’organisation économique et sociétale, ou encore des enjeux géopolitiques comme le montre le constat sans appel du rapport de la fondation concorde en 2015 (Atlantico).

Mais même encore aujourd’hui, cela reste d’actualité, il suffit de voir les récents exemples concernant le Data Hub Santé, la BPI pour la gestion du PGE, ou encore Renault (Article).

De ce constat initial découlent les autres difficultés que peut rencontrer l’écosystème numérique français notamment sur les financements intervenant sur les phases plus tardives du développement des entreprises, quand des fonds importants sont nécessaires au changement d’échelle.

L’autre difficulté, est de réussir aussi à convaincre une clientèle complètement perfusée aux GAFAM, qui n’envisage pas le changement de façon aisée… Quand il s’agit de décisions au sein des grands groupes industriels, le DSI ne sera jamais « viré » si sur un projet de transformation numérique, il se plante mais a choisi une solution reconnue comme les GAFAM…

Une autre faiblesse en miroir de la grande force de la plupart des acteurs américains, c’est le marketing et leur capacité à faciliter l’approche utilisateur, là où les solutions françaises sont souvent techniquement bien abouties, mais ne séduisent pas. Notamment par un manque d’ergonomie, sur l’utilisation du produit.

Conclusion

La naissance du collectif PlayFrance.Digital est le premier pas d’un secteur qui s’organise afin de faire face aux sujets de souveraineté numérique. Cette initiative avant tout française va essayer de prendre une envergure européenne.

L’autre élément encourageant, c’est la force normatrice de l’Europe qui devient un vrai soutient dans la reconquête de notre souveraineté numérique comme la mise ne place du Règlement Général de la Protection des Données, la décision récente de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) sur l’invalidation du Privacy Shield. Ce changement de paradigme commence à montrer ces effets dans les nouvelles recommandations des CNIL européennes (Les Echos).

Si le retard français et européen est flagrant, il semble qu’enfin une prise de conscience sérieuse ait eu lieu, et que l’on peut espérer un rééquilibrage des forces en présence, mais cela nécessite qu’à tous les niveaux nous jouions le jeu et que nous ajustions nos choix avec cette nouvelle grille de lecture.

One Comment

  1. Il manque aussi et surtout de la bienveillance de la part des entreprises pour accompagner les Startups à optimiser leur solution mais pas juste seulement a relever les points qui les empêchent de déployer leur système à toute l’entreprise.
    Ceci aiderait les Startups à augmenter leur revenus (et expériences). C’est ce qui est le plus demandé par les Startups avant tout. On a un écosystème dynamique mais pas la culture de la bienveillance. C’est celle ci qui fera la différence pour un terreau plus fertile au développement des Startups.

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