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Le gouvernement français a-t-il une stratégie économique pour le numérique ?

Source: Pixabay

Cette question me semble furieusement légitime. Les actions erratiques et les revirements ne nos ministres dans le domaine du numérique, notamment sur l’histoire du cloud souverain devenu cloud de confiance, en est pour le moins un signe conséquent. Beaucoup vont penser à tort ou à raison, qu’il s’agit d’une attaque gratuite et assez peu étayée. Dans cet article, je vais essayer de vous démontrer que mes propos sont loin d’être farfelus.

Quel est selon moi, le rôle d’un état au global ?

Tout gouvernement d’un état souverain, en dehors de ses attributions régaliennes qui sont les piliers de son fonctionnement, a pour objectif d’organiser son marché intérieur et son industrie, afin d’assurer le développement économique de son pays et d’en accroître sa richesse. Je sais que cela peut paraitre un truisme, mais il est bon de rappeler certaines vérités assez basiques, pour éclairer mon propos.

Un autre élément qui selon moi est clé dans la discussion, c’est le fait que la délocalisation d’une partie de la chaine de valeur, appauvrit, avec notamment un impact très négatif sur l’emploi. J’ai fait le choix de parler de la chaine de valeur, car parler simplement de délocalisation des industries est quant à lui moins consensuel (débat – Cairn info). En effet, il est assez facile à comprendre que si pour un produit donné l’ensemble de la chaine de valeur est sur votre territoire, vous en retirez tout le bénéfice, que le produit soit acheté sur votre marché ou exporté (et encore plus dans ce cas-là). Ce raisonnement reste simpliste, car ensuite bien entendu, il faudrait prendre en compte la capacité de votre territoire à maitriser les différentes étapes de cette chaine de valeurs.

Il est attendu d’un gouvernement qu’il défende le secteur industriel qu’il représente, en effet a-t-on jamais vu un ministre de l’Agriculture dire que les vins français étaient moins bons que les vins californiens ? Et pourtant, c’est ce que font systématiquement notre secrétaire d’état au numérique M. Cédric O, et le ministre de l’Économie et de l’industrie M. Le Maire, avec notamment leur projet de « Cloud de confiance ». Je paraphraserais donc Benjamin Bayart de la quadrature du net (voir la vidéo), en disant qu’il s’agit bien d’une décision de DSI pour se prémunir du risque juridique, mais qui ne prend pas en compte une stratégie d’orientation industrielle !

Ce manque d’ambition industrielle se retrouvent dans bien des domaines, parfois sensibles comme la défense, où la volonté de faire des programmes collaboratifs à tout prix a des impacts sur notre capacité opérationnelle future. Mais ce n’est pas le sujet de cet article.

Quelle stratégie pour le numérique en France ?

C’est une question intéressante, et qui d’ailleurs ne débouche pas sur un consensus admis. Mais pour répondre à cette question, il nous faut peut-être poser les hypothèses de départ, qu’est-ce que le numérique ?

Parle-t-on seulement de la partie logicielle couche haute, celle des usages ? Parle-t-on de l’hébergement de nos données ou applications, le fameux cloud ? Parle-t-on des systèmes opératoires de nos ordinateurs et téléphones ou tablettes (Windows, Android ou IOS pour les majeurs américains…) ? Ou parle-t-on aussi du hardware, c’est-à-dire les ordinateurs, serveurs ou smartphones ? Ou bien cherche-t-on à adresser l’ensemble de la chaine de valeur ?

Quand vous posez cette question, vous avez un certain nombre d’acteurs du numérique français, qui considère que le combat est perdu (sur la plupart des échelons, et qu’il faut se focaliser sur l’échelon logiciel. C’est un argument qui s’entend, notamment pour un entrepreneur et sur une vision économique simple et sans remise en cause de la doxa actuelle.

Puis vous en avez d’autres, comme votre serviteur, qui ne partagent pas cette vision, et essaient d’avoir une vision plus géostratégique. En effet, prenons l’exemple de la Chine, certes nous n’avons pas la même taille, mais quelle stratégie a-t-elle mise en place pour émerger et devenir un acteur majeur du numérique ? Je vais simplifier à l’extrême, mais on peut considérer qu’il y a deux piliers majeurs à cette stratégie, qui selon moi sont les suivants :

  • Une politique protectionniste assumée, qui leur a permis de protéger leurs entreprises naissantes, en leur assurant un marché intérieur. Ce protectionnisme incluait la nécessité pour toute entreprise étrangère souhaitant s’implanter d’effectuer des transferts technologiques, permettant ainsi de rattraper à grandes vitesses le gap technologique.
  • Une politique éducative prenant en compte les besoins économiques du pays, avec une politique de sélection féroce, permettant de « produire » des ingénieurs de haut niveau. Ces mêmes ingénieurs qui permettent dorénavant de voir éclore des innovations de ruptures et pas seulement dans le numérique

On peut donc légitimement se poser la question suivante, nos gouvernants depuis 25 à 20 ans ont-ils pris la réelle mesure des enjeux ?

Il est donc crucial que l’ensemble des acteurs du numériques français, ainsi que les simples citoyens conscients de l’importance de garder notre indépendance industrielle, économique et culturelle dans le numérique, se mobilisent et « prêchent » la bonne parole auprès de l’ensemble des futurs candidats de l’élection présidentielle. De mon point de vue il s’agit d’un enjeu majeur et structurant pour notre nation.

Conclusion

Pour qu’un écosystème numérique souverain puisse éclore et fructifier dans notre pays, il y a plusieurs facteurs qui doivent être réunis. Il faut des ingénieurs de qualités, ce que l’on a. Il faut aussi de nombreuses initiatives entrepreneuriales, ce foisonnement existe comme le montre notamment la cartographie des solutions souveraines. Et il faut surtout une volonté politique pour organiser, structurer et protéger cet écosystème. On ne demande pas à l’état de créer lui-même les solutions de souveraineté, mais de leur proposer un environnement pertinent pour accélérer et consolider leur croissance en restant un client exigeant sur la qualité du service attendu. Une des armes proposées par le collectif PlayFranceDigital est de réserver 50% de la commande public aux acteurs souverains.

Nous sentons qu’il y a une prise de conscience qui émerge sur ce sujet, profitons de l’élection présidentielle pour faire avancer le sujet et demander aux candidats de tout bord de se positionner dans leur programme !

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