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Le numérique un monde sans frontière ?

Le numérique a bouleversé nos vies, souvent bien plus que ce dont on a conscience. Les géants américains du numérique (mais aussi les gouvernements), nous ont vendu un mythe qui résonnait avec nos valeurs chrétiennes et notre culture droit de l’hommiste, celui de la mondialisation heureuse. Et dans ce monde post-histoire (Selon la théorie de Francis Fukuyama qui affirme qu’avec la fin de la guerre froide, c’est la victoire idéologique de la démocratie et le libéralisme sur les autres idéologies politiques…)), les frontières n’existaient plus, les hommes allaient et venaient, dans un immense enrichissement économique et culturel.

Et cette vision est en partie vraie, en tout cas force est de constater que dans le monde occidental, les géants du numérique américains exercent une influence transfrontalière et leur puissance économique n’a cessé de croitre, jusqu’à leur permettre d’être accueillis comme des chefs d’états. Et pourquoi pas alors que Google est valorisé pas loin de 1200 milliards de dollars, quand le budget de la France est de 311 milliards d’Euros.

Les frontières qu’est-ce que c’est ?

La frontière, comment la définir ? Vaste sujet, je vous encourage à ce sujet la lecture de ce très court traité de Régis Debray « Eloge des frontières » (édition Folio) que je trouve particulièrement pertinent. On y retrouve le concept important de ce qu’est fondamentalement une frontière, il s’agit d’une séparation entre deux mondes, le dedans / le dehors. L’une des premières frontières qui nous concerne tous est notre maison, qui est la séparation entre notre espace privé et l’extérieur… Il en va de même pour d’autres aspects, le sanctuaire dessine une frontière entre le commun et le sacré, etc… Les frontières sont indispensables à notre fonctionnement en tant qu’animal social, on peut donc se demander si la volonté de créer un monde sans frontière est même possible.

Alors frontière ou pas frontière dans le numérique ?

Le monde du numérique sans frontière, vraiment ?

C’est la question que l’on doit se poser. Et la réponse est à la fois simple et complexe. En effet, si nous regardons notre approche du numérique, et que nous nous focalisons plus particulièrement sur les géants du numérique américains, la réponse pour la France et plus globalement pour l’Europe (en incluant les Britanniques) est non il n’y a pas a priori de frontières. Nous sommes dans ce monde libéral, où quelque part : « il est interdit d’interdire ! ».

Cependant, si nous regardons ce qu’il se passe sur d’autres continents, la musique est bien entendu légèrement différente. Prenons la Chine par exemple, elle a su mettre des frontières, et notamment imposer aux acteurs américains, s’ils voulaient accéder à leur territoire numérique de se plier aux Lois et Règles de ce territoire. Je ne porte aucun jugement sur la nature de ce régime politique.

D’autres pays, ont mis en place des stratégies moins extrêmes que la Chine. La Russie par exemple a développé un web qui peut fonctionner en total découplage avec le net maîtrisé par les Américains, en développant un écosystème presque complet de plateformes et de services indépendants (Le Monde-Diplomatique – Août 2017). Il est vrai que ces deux régimes, sont, au mieux, autocratiques au pire, totalitaires, cependant, nous aurions tort de penser que sous ce prétexte unique les stratégies et moyens qu’ils ont mis en place pour protéger leur territoire numérique ne pourraient pas nous intéresser…

Et si on mettait des frontières numériques en Europe ou en France ?

Pour répondre à cette question vous pensez spontanément en quoi mettre des frontières numériques pourrait-il avoir un quelconque intérêt ? Et si nous renversions la question : pourquoi ne pas mettre de frontières, et quelles sont les conséquences de ne pas en avoir ?

Tout d’abord le fait de ne pas vouloir appliquer des « frontières », empêche d’imposer un certain nombre de règles, auxquelles se soustraient actuellement les #gafam, mais il est plus que probable que ce phénomène se reproduise avec les Chinois, comme #tiktok…

Une des premières règles auxquelles je pense, c’est que tout réseaux sociaux pourrait se voir exiger un directeur de publication qui pourrait être attaqué pénalement pour toute publication ne satisfaisant pas à notre réglementation. En cas de refus, le bannissement de notre espace numérique serait la réponse…

De même, on pourrait imposer une taxe concernant tout transfert de données en dehors de la France ou de l’Europe. Et une nouvelle fois en cas de non-respect, le nom de domaine des fautifs pourrait être banni de notre espace numérique.

Dans cet espace numérique « territorial » nos lois seraient celles qui s’appliqueraient, l’objectif étant de lutter contre la puissance disproportionnée qu’ont pris les géants du numérique. Bien entendu, je ne fais qu’aborder les grandes lignes, il faut ensuite entrer dans les détails, là où le diable se cache…

Cette approche a au moins le mérite de pouvoir rééquilibrer la puissance hégémonique des géants du numérique notamment américains, et de leurs homologues chinoise qui posent tout autant les mêmes questions.

Protéger nos frontières, y compris dans l’espace du numérique c’est assurer la sécurité de nos concitoyens, c’est protéger notre identité culturelle, en contrôlant les échanges, c’est la possibilité de mettre en place aussi des barrières douanières et de changer certaines règles d’imposition, qui permettent aux géants du numérique d’échapper aux taxations qui s’appliquent à tous les autres domaines de l’activité économique…

 

Des frontières dans le numérique pour quand ?

Hélas, si ce que je viens de décrire dans cet article est réalisable sur le papier sa mise en place nécessiterait tout d’abord une volonté politique et normative, or je ne peux que constater que celle-ci est absolument absente, ne serait-ce que dans les autres dimensions de la vie économique et culturelle…

La liberté absolue n’existe pas, nous vivons dans un monde contraint, mais nous avons la possibilité de créer communauté de vue et de valeurs communes, et c’est ce que sont les nations, il n’est donc pas illogique d’imaginer que le numérique se plie aux règles qui régissent nos nations et permettent ainsi l’existence d’identités culturelles différentes qui sont autant de richesses dont il serait absurde de se priver.

Cette régulation ne pourrait qu’être bénéfique, et je ne peux m’empêcher de penser qu’une telle approche permettrait de rééquilibrer notre rapport à ces géants, en permettant par exemple l’éclosion de d’acteurs importants en France ou en Europe, mais je ne crains que nos élites dirigeantes n’aient intégré viscéralement notre vassalité aux États-Unis, étant ainsi dans l’incapacité ne serait-ce que d’imaginer des actions pour sortir de cet état.

 

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