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La santé et le numérique

La transformation numérique touche l’ensemble des secteurs économiques et sans surprise, l’industrie pharmaceutique et la santé sont elles aussi touchées. Quel regard poser sur ces innovations qui révolutionnent profondément notre rapport à la santé ou aux soins, et est-ce toujours à notre bénéfice ?

Dans cet article, je vais me contenter de brosser un tableau à partir de quelques innovations qui interrogent sur les bienfaits et dérives de la transformation digitale.

Transformation numérique et industrie pharmaceutique

Certaines personnes feraient remonter à très récemment cette transformation numérique en liant la transformation numérique à l’arrivée unique des nouvelles technos du web, cloud, smartphone, big data et Intelligence Artificielle. Mais, cela fait plusieurs décennies que, suivant l’évolution des technologies de l’information nombre de processus métier, notamment dans la branche R&D de cette industrie ont été numérisés, passant du processus papier à un processus dématérialisé.

J’ai démarré ma carrière dans l’industrie pharmaceutique, dans la recherche clinique, et j’ai pu vivre cette transformation : passage des mémos envoyé par courrier, au courriel. Ou encore la collecte des données de recherche clinique des Cahiers d’Observations papiers (tripliqués) au Cahier d’Observation électronique. Ce ne sont que quelques exemples anecdotiques mais ils montrent que la numérisation de cette industrie a démarré dès que les technologies ont été fiables et validées pour le domaine pharmaceutique. L’industrie pharmaceutique est un milieu très réglementé et exigeant. Ceux qui l’ont oublié et ont voulu faire les choses en dépit du bon sens ont parfois eu à le payer cher, en perdant la licence pharmaceutique qui leur permettait de produire et de distribuer leurs produits…

Les différentes évolutions technologiques du côté du numérique, ont soulevé de nombreux espoirs notamment dans le domaine de la recherche et développement, compte tenu des difficultés croissantes à sortir de nouvelles molécules permettant un fort retour sur investissement. Comme souvent, l’arrivée de ces nouvelles technologies a été vue par les managers de cette industrie, comme la réponse au manque de résultats de leur R&D. Le constat était correct, mais la conclusion biaisée à mon sens, a été de croire que la technologie serait la seule réponse à cette stagnation alors que ce problème est complexe et comporte d’autres facteurs comme le manque d’investissements dans notre recherche fondamentale et universitaire et le manque de synchronisation avec la recherche appliquée industrielle… On pourrait aussi interroger la politique d’abandon de pans entiers de l’activité industrielle et de R&D à des sous-traitants (façonnier, CRO (Contract Research Organization, etc…) ou partenaires (Biotech).

Quoiqu’il en soit, des projets de digitalisation ont fleuri et, comme on pouvait s’y attendre, sans réflexion, ni pensée à long terme, on se retrouve souvent avec des projets bancals qui ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. La digitalisation s’inscrit dans une stratégie, elle ne s’y substitue pas. Et même lorsque la stratégie est claire et le projet bien ficelé, plusieurs obstacles restent à franchir : l’un des problèmes n’est pas tant les solutions technologiques mais leur emploi de façon adaptée. De plus un élément reste sous-estimé dans les projets de Big Data ou l’Intelligence Artificielle, c’est la qualité des données nécessaires pour mener à bien le projet, car comme le dise nos amis anglo-saxons, « garbage in = garbage out »

De plus, de nouveaux défis dont également soulevés, notamment en termes de sécurité et en termes légaux…

Pour résumer, si la transformation numérique peut, dans l’industrie pharmaceutique comme dans de nombreux autres secteurs, apporter des gains de productivité, de nouveaux procédés plus efficients, il ne faut cependant ne pas oublier qu’il faut gérer la dette technique, – on ne part jamais d’une feuille blanche – et ne pas oublier aussi les contraintes réglementaires cadre dans lequel doit travailler cette industrie, notamment sous prétexte d’apporter des technologies de « disruption »… Ne pas oublier que s’il existe une richesse dans les données provenant d’essais très anciens toutes ces données ne sont pas forcément exploitables en l’état compte tenu du cadre légal dans lequel elles ont été collectées…

Transformation numérique et santé et bien-être



Le domaine de l’industrie pharmaceutique n‘est pas le seul à avoir été touché par la transformation numérique massif de ses usages. Il y a bien entendu le domaine plus vaste de la santé qui soulève tout autant de questions.

L’emprise du numérique sur nos actes médicaux les plus fréquents a été renforcée par la pandémie du covid-19, mais aussi dans certains territoires, par la désertification médicale. Ses aspects les plus visibles sont la prise de rendez-vous en ligne, avec un acteur majeur de ce secteur DoctoLib© désormais quasi-incontournable, mais également la téléconsultation, où le rendez-vous médical est virtualisé.

Cette télémédecine existe sur des secteurs plus pointus comme les opérations chirurgicales, le tout opéré par robotique. Et les exploits du numérique ne s’arrêtent pas seulement à ces symboles les plus visibles. Il y a une myriade d’applications et d’appareillages rendus plus performants par le numérique, Pacemaker, appareil connecté de prise de tension, holster, oxymètre, thermomètre, détecteur de chutes, etc.

Un acteur français de ce domaine à la frontière entre le bien être et le médical, est Withings qui propose du matériel validé pour une utilisation médicale, permettant une surveillance facilitée par ce que l’on appelle les objets connectés, revendiquant une bonne protection des données. Pour les données de santé utilisation d’acteurs du cloud français. Sur ce secteur on retrouve bien entendu les Samsung, Apple et Google, mais sur la question de la protection des données, pour eux on sait que nous leur en abandonne la propriété…

Bien entendu, cette évolution entraîne la nécessité de collecter et d’amasser de nombreuses données sensibles qui doivent être analysées et permettent de diagnostiquer ou d’aider au diagnostic les médecins pour le bénéfice des patients. Quid alors de la sécurité de ses données, où sont-elles hébergées, qui y a accès, sous quel régime juridique ? L’autre question qui de la sécurité des communications et accès à ces objets connectés (les flux de communication sont -ils protégés, les mises-à-jour des logiciels embarqués sont-ils suffisamment fréquents pour corriger d’éventuelles failles, etc…), que se passe-t-il en effet, si une personne mal intentionnée prend le contrôle d’un pacemaker connecté ou d’une pompe à insuline ?

Devant l’intérêt thérapeutique avéré et la facilité du suivi du patient, ne sous-estime-t-on pas leur sécurité et la sécurité de leurs données.

D’autres questions m’assaillent : cette technicisation de la médecine se fait-elle réellement au bénéfice du patient ? Si nous prenons l’exemple de la télémédecine, qui rend un service indéniable aux déserts médicaux par exemple, n’est-ce pas une solution technique qui nous évite de répondre aux manques de médecins et aux raisons de ce manque dans ces territoires ?

Le médecin généraliste n’a-t-il qu’un rôle de technique médical, n’est-il pas là aussi et surtout pour créer un lien humain de confiance avec son patient ? La télémédecine peut-elle remplacer le contact ? Peut-on remplacer l’observation clinique, ausculter, voir et entendre son patient, par des examens techniques ?



Perspectives

Dans cet article, je ne mets pas en cause le progrès technique et numérique, ni dans l’industrie pharmaceutique, ni dans la santé. Cependant, ce progrès doit non seulement être maîtrisé pour une utilisation aux plus justes besoins des patients. La médecine, n’est pas seulement un ensemble de techniques, mais c’est aussi un art, et surtout une pratique humaine. Il est important de ne pas réifier le patient, et donc de nier sa nature humaine.

Et ce que l’on vient d’aborder pour la santé est tout aussi vrai pour d’autres domaines, il est important de ne pas nous laisser envahir par le Système Technicien (Jacques Ellul), mais de garder notre lien avec notre environnement naturel.

 

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