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Faut-il sortir du mythe de la coopération Franco-Allemande ?

Source: aerobuzz.fr

Cet article, j’en ai bien conscience ne touche pas la souveraineté numérique en tant que telle, mais touche à notre souveraineté industrielle dans un domaine très particulier, celui de la défense. Je tenais à écrire un article sur ce sujet, qui de mon point de vue est crucial en termes de souveraineté industrielle. Et si on s’intéresse au projet SCAF, il y a des aspects numériques indéniables.

En effet la plupart des systèmes de combat du futur qu’ils soient aériens, navals ou terrestres impliquent une forte capacité d’intégration des données et de communications sécurisées.

 

1.    Etat des lieux sur les projets en cours

Quels sont les projets actuellement concernés, en termes de coopération Franco-Allemande, dans le domaine de la défense. A ce jour il y a deux principaux projets :

  • Le Système de Combat Aérien Futur (SCAF), qui initialement Franco-Britannique est devenu avec le Brexit, dès 2017 un projet Franco-Allemand. Puis est « Franco-Allemand-Espagnol ». La coopération industrielle notamment impliquant Dassault, Airbus (Allemagne), Indra et Airbus Défense Espagne (filiale espagnole d’Airbus Allemagne) …
  • Le Char du Futur « Main Combat Ground System » (MGCS) mené par Nexter System et Kraus-Maffei Wegman initialement à 50-50%

La mise en route de ces deux projets ne se passe pas comme un long fleuve tranquille, ainsi qu’il a déjà été rapporté dans la presse (Opex360 / La Tribune ).

Les raisons de ces difficultés sont de mon point de vue liées aux éléments clés suivants :

  • Une divergence géostratégique
  • Une différence d’impératif industriel

Divergence Géostratégique

Pourquoi une différence géostratégique, tout d’abord l’Allemagne reste fondamentalement inféodée aux Etats-Unis dans sa conception de la défense. Vassalité à l’Amérique qui est le résultat direct de la l’issue de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne ayant renoncé à faire partie de l’histoire, et se focalisant sur l’industrie et l’économie. De plus l’Allemagne est restée sur l’affrontement Est-Ouest en Europe, vision imposée par les Etats-Unis, où seule la Russie est l’ennemie, et la dissuasion nucléaire, le bouclier protecteur vient des Etats-Unis…

Et la définition des besoins se fait avec cette vision en tête. En effet l’Allemagne sur le programme MGCS, impose la construction d’un char lourd, nécessaire à l’affrontement aux blindés russes dans les grandes plaines de l’est. La France, compte tenu ces théâtres opérationnels, a besoin de blindés moins lourds, plus agiles et adaptés aux situations de guérilla urbaine…

Nous retrouvons cette divergence de vue sur le projet SCAF, qui s’était déjà exprimée sur la précédente tentative de collaboration qui a échoué et a abouti aux Rafales d’un côté et à l’Euro fighter de l’autre. Dans ce cas nous avons besoins d’un avion multi-rôles, et de pénétration puisque la composante aérienne de notre dissuasion nucléaire est clé depuis le démantèlement de nos missiles balistiques terrestres. Par ailleurs, nous avons une composante marine non négligeable et des théâtres d’interventions extérieures qui nous imposent certaines capacités.

Là encore une fois, il y a une différence importante avec l’Allemagne qui a besoin d’une composante plus axée sur la supériorité aérienne, pour faire court.

 

Divergence industrielle

Là encore il y a deux approches, bien différentes. La France a abandonné ces 35 dernières années son industrie, au profit des activités de services. Si cette tendance a été moins marquée dans le domaine de la défense, les choses ont cependant bien changé depuis l’époque du Général de Gaulle où l’on était en capacité de tout produire en France de l’armement léger au plus lourd et ainsi que l’essentiel des équipements…

Cela n’a pas été le cas en Allemagne, qui a maintenu une industrie forte, et ce malgré les délocalisations vers l’Asie qui ont touché l’ensemble de l’Europe. L’objectif de l’Allemagne dans ces projets de coopérations est de récupérer le maximum d’emplois industriels pour leur industrie, quitte a ne pas être fiable, par exemple en mentant sur leurs commandes prévisionnelles afin d’avoir une plus grosse part du gâteau (La Tribune).

 

2.     Faut-il abandonner ces projets ?

Il s’agit d’une question bien entendue éminemment politique, et mon opinion ne restera que ce qu’elle est, l’avis d’un citoyen lambda.

Cependant, pour les mêmes raisons citées plus haut qui résumaient les difficultés, mon opinion penche en faveur de la sortie de ces programmes. En plus des points abordés précédemment, je vois des arguments additionnels s’y ajouter. Les voici :

  • Sur la composante aérienne, nous avons un fleuron industriel #Dassault, qui est en capacité -et l’a démontré – de produire de bout en bout des appareils efficients en conditions opérationnelles. Après un démarrage lent et une compétition commerciale féroce des américains, le Rafale commence à trouver sa place, ses qualités techniques et opérationnelles faisant la démonstration de ses performances. Par ailleurs les allemands manœuvrent pour récupérer le savoir-faire français, entrainant #Dassault à réagir et parler de plan B (Challenges)
  • Sur la composante terrestre, nous avons aussi des compétences indéniables, comme le montre le Caesar (canon autoporté), les Griffons qui arrivent en dotation, mais aussi le Leclerc. Il est clé de conserver et de renforcer les compétences clés que nous avons commencées à perdre notamment sur les chars lourds.
  • Il est donc crucial de garder et d’augment les emplois industriels sur notre territoire national et de conserver ce socle industriel sur lequel on peut s’appuyer pour créer de nouveaux champions industriels dans le civil aussi. L’innovation vient souvent de l’industrie.
  • Un autre point important, c’est notre autonomie commerciale, en effet notre manque d’autonomie sur certaines technologies, nous met en dépendance avec la vision géostratégique des américains et peut nous fermer certains marchés. Il en est de même en cas de partenariat avec l’Allemagne. Le Bundestag pourrait ainsi nous bloquer sur des marchés potentiels à l’export…

 

3.    Conclusion

 

A la lecture de cet article, vous ne serez pas surpris de ma conviction qui est qu’il nous faut sortir des ces projets de coopérations déséquilibrés et qui mettent en jeu notre souveraineté, même s’il semble que cela ne soit pas le chemin pris (La Tribune). Ici nous parlons surtout de souveraineté industrielle, mais la souveraineté numérique n’est pas loin. En effet tous les nouveaux systèmes d’armes nécessitent le partage d’information et de données de différentes sources, de les analyser et de les intégrer en temps réel afin de fournir les meilleures informations nécessaires à la prise de décision opérationnelle.

L’enjeu est donc large et implique aussi une maîtrise des systèmes d’information qui sont le cœur dorénavant de tout système d’arme du futur, dans ce domaine nous avons des acteurs institutionnels solides comme Thales, et de nombreuses Start-up innovantes. Il est donc important pour ces raisons de favoriser notre tissu industriel et numérique.

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