C’est une question qu’il faut se poser réellement. Un ensemble d’éléments concordants permettent de douter du jeu collectif dans l’intérêt de notre souveraineté numérique. Il s’agit d’un sujet crucial, si nous n’arrivons pas à instaurer une collaboration de l’ensemble des acteurs économiques, cela va être compliqué. Mais il faut reconnaitre que la force marketing et le lobbying des #gafam n’est plus à vanter !
Liens troubles des ESN avec les gafams
Les Entreprises de Services du Numérique (ESN) anciennement appelée SSII, sont des sociétés de conseil et de service dans les technologies de l’information. En France de grands groupes dans ce secteur, ce sont constitués comme Cap Gemini et Sopra Steria, qui après consolidation ont absorbé de nombreuses autres entités…
Ces grands groupes se sont construits sur des compétences techniques très axées sur les technologies américaines, IBM, Microsoft, Oracle, puis Amazon et Google. Elles ont plutôt dédaigné les technologies du logiciel libre (open source) qui pourtant en termes d’infrastructure avaient tout leur sens (Linux, etc…) pour préférer du Microsoft, etc…
Par ailleurs leur modèle commercial repose aussi sur des partenariats privilégies (Golden Partners) avec ces éditeurs, partenariats qui leur assurent probablement une facilité à trouver des clients mais aussi les compétences pour déployer ces technologies. Mais être « Gold Partner » cela s’achète (directement ou indirectement via des formations pour atteindre le niveau technique requis) et il faut rentabiliser son investissement !
Et selon moi, c’est là que le bât blesse. En effet quand ces grands groupes sont sélectionnés par de grands groupes industriels pour réfléchir à leur stratégie de SI (Système d’Information) ou de transformation digitale, le conseil n’est pas indépendant. Ils mettront évidemment en avant les solutions qui seront les plus bénéfiques pour eux, et ce à double titre. Au titre de la maitrise technique des solutions proposées et du support associé à la mise en place de ces solutions.
On a pu le voir dans le fameux scandale du choix de #Microsoft comme solution cloud pour le Health Data Hub, là encore le choix s’est fait par l’influence d’un cabinet de conseil affilié aux trois fournisseurs de cloud américain qui a non seulement disqualifié toute solution française mais a conduit à la sélection de #Microsoft sans aucun appel d’offre ! (articles : 1, 2, 3, 4 )
En effet, en plus de ces conseils biaisés, il faut bien reconnaitre que les Directions des Systèmes d’Information (DSI) faisant appel à leur service ne sont pas enclines à prendre des risques. Mieux vaut donc prendre une solution connue et reconnue #gafam, même si elle ne correspond pas totalement au besoin et présente des problèmes que de prendre le moindre risque., On n’a jamais vu un DSI être viré parce que Microsoft a des bugs par exemple …
Le SYNTEC dans tout cela ?
Le SYNTEC est le syndicat professionnel regroupant l’ensemble des acteurs du numériques, ESN et éditeurs de logiciel. Cependant il est essentiellement noyauté par les ESN, et les orientations prises sont en faveur de ces entreprises. Dans la gouvernance du Syntec citons Laurent Giovachini, son président actuel qui est aussi le DGA de Sopra Steria, Hubert Giraud, membre du comité de direction de Cap Gemini, et Godefroy de Bentzmann, patron de Devoteam … Ceci pour les plus emblématiques, d’autres sont dans différentes activités liées au conseil pas nécessairement dans le secteur des SI. Sur les 14 membres de la gouvernance du SYNTEC, je n’ai trouvé aucun représentant du monde de l’édition de logiciel. Comment peut-on s’étonner ensuite des prises de position du Syntec, comme cette sortie de Godefroy de Bentzmann « Les solutions françaises ont beaucoup de qualités mais ne sont pas au même niveau : c’est parce que le cloud américain Azure de Microsoft permet d’activer des algorithmes d’IA que ne permettaient pas les entreprises françaises qu’il a été choisi pour le Health Data Hub », affirmation non démontrée.
Heureusement, une lueur d’espoir existe, les acteurs du numérique français se sont rassemblés en collectif PlayFrtanceDigital, afin de faire entendre leur voix et de porter bien haut les couleurs du numérique français. J’espère que ce collectif sera bien le poil à gratter non seulement de nos gouvernants mais aussi de ce Syntec, qui ne sait pas défendre les intérêts français. Peut-être faudra-t-il que les éditeurs de logiciels s’émancipent du Syntec et créent leur propre syndicat professionnel…
Conclusions
On le voit, le combat pour une souveraineté numérique retrouvée est un combat incessant et par moment fratricide. En effet, nos décideurs politiques sont sous l’influence des lobbys américains, mais aussi des grandes ESN française qui ont bâti leur modèle économique sur le partenariat avec les géants américains, ce d’autant plus qu’ils ne comprennent pas suffisamment, voire pas du tout les enjeux et la technologie.
Par ailleurs, les actions anti-commerciales et de dumping des solutions américaines, font que le système éducatif français est noyauté par ces dernières, notamment les grandes écoles, donnant l’habitude à nos chères têtes blondes d’utiliser ces solutions. Et on sait que le changement est une vraie gageure.
Il faut se réveiller ! La recommandation de la CNIL de s’affranchir des solutions américaines dans l’espace de l’éducation et de la recherche va dans le bon sens.
Des initiatives comme PlayFranceDigitale sont aussi une source d’espoir. Pour les éditeurs de logiciels, peut-être faut-il qu’ils envisagent de créer leur propre syndicat professionnel, mais une structuration excessive peut faire perdre l’esprit combatif nécessaire.
Pour finir, peut-être faudrait-il que les éditeurs de logiciels s’organisent avec des petites ESN, qui elles sont probablement encore assez indépendante des solutions américaines, pour apporter un vrai souffle nouveau sur le métier de conseil en Système d’Information.