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Présidentielle 2022 : le numérique quel bilan pour Emmanuel Macron ?

Dans cet article, je vais m’attacher à décrire ce que je pense être le bilan de l’action présidentielle dans ce secteur d’activité clé qu’est le numérique. Je n’aurais aucunement la prétention que ce tableau que je vais brosser soit autre que subjectif, puisqu’étant un fervent partisan de notre souveraineté numérique, il sera dressé à cette aune.

Nous partons bien entendu d’un postulat, qui est celui que l’industrie du numérique est l’industrie du futur. Que de la façon dont ce sujet est traité ou sera traité dépendent les résultats économiques, l’emploi, mais aussi de notre poids dans le monde de demain.

 

Quelques rappels

 

Il est à noter, que depuis un quart de siècle, les progrès des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) ont fortement impacté la vie des entreprises et des particuliers. L’état lui-même a mis en place et utilisé de gros systèmes pour mieux gérer les demandes des citoyens. Mais au début du 21me siècle est apparue une nouvelle mission capitale pour les gouvernants : celle à la fois d’inciter aux progrès du numérique dans la vie de tous les jours et d’essayer de « réguler l’économie, en termes de modèles d’entreprises, d’emplois et de formations professionnelles adaptées.

Ces 15 dernières années on peut dire que la transformation digitale a touché tous les secteurs de notre vie de la sphère privée, à l’entreprise en passant par l’état. Force est de constater que cette transformation a vu les solutions américaines s’implanter durablement. L’état n’est pas resté en reste. L’une des premières administrations à avoir entamé sa mue digitale a été la Direction des Finance Publiques et notamment la branche impôts. On peut reconnaitre le succès de cette mue. Au passage, il ne me semble pas que cette institution ait été trop envahie par les solutions américaines, même si les récents partenariats avec Google, me semblent assez inquiétant (Clubic)

Pour l’état, cependant le numérique ne s’arrête pas à ce premier succès. L’état s’est donc doté d’organes pour étudier ces questions, dont Le Conseil National du Numérique (CNNum).

Ce conseil a édité 7 recommandations clés pour une transition numérique citoyenne et inclusive (avise.org). L’un des résultats effectifs est le plan fibre qui malgré le covid-19, devrait remplir ces objectifs, et par la même permettre l’accès à l’ensemble de la population à l’internet haut-débit. De ce point de vue la France est plutôt bien placée par rapport à l’ensemble de ses partenaires américains.

 

Mais quid de la souveraineté numérique ?

 

Si comme nous avons pu le voir, il y a bien une prise de conscience de l’importance du numérique dans le développement de notre industrie et de nos emplois de demain, nous ne pouvons que constater le gap important entre la prise de conscience de l’importance du numérique et la nécessaire souveraineté sur ce sujet.

Dès le démarrage de la transformation numérique de nos organisations : éducation, administration, entreprises les #magaf (je trouve l’acronyme plus judicieux de #gafam) ont pris une ampleur hégémonique. Je pense que l’on peut expliquer cela sous plusieurs angles.

Tout d’abord, l’entrée des acteurs comme Microsoft et Apple dans les structures éducatives dès le plus jeune âge a permis « d’éduquer » nombre d’enfants, puis d’étudiants à l’utilisation de leurs outils, tout d’abord le terminal, mais aussi l’OS et la suite logicielle bureautique, au départ, installés sur les terminaux. Cela a produit une génération d’utilisateurs captifs, qui sont devenus pour certains des décideurs. Et on le sait, il est très difficile de faire ensuite changer des habitudes, l’énergie à fournir pour accompagner le changement peut être phénoménale. Ceci a rendu marginales toutes les tentatives de solutions alternatives notamment basée sur l’open source et ce, quel que soit la qualité des solutions proposées.

Le deuxième point, avec l’arrivée du cloud et des outils « digitaux » comme Google, a été de proposer des produits en apparence gratuits (Sauf que vos données ne vous appartiennent plus et sont monétisées à votre détriment). Cette pseudo-gratuité a complètement faussé le marché et quasiment éradiqué la concurrence. On peut s’étonner que nos régulateurs n’aient pas saisi l’occasion pour obliger les acteurs à faire payer leur service. En effet, la vente à perte est pourtant interdite en droit commercial…

Le troisième point, la force de leur business model, et leur puissance marketing, leur a permis d’engranger un cash-flow phénoménal, les rendant par bien des aspects plus puissants que des états. Il est étonnant que contrairement au passé, les lois anti-trust américaines n’aient jamais réellement été appliquées pour ces acteurs …

Et le dernier étage de l’édifice est un lobbying intense et dispendieux auprès de nos hauts fonctionnaires et ministres. Il sera assez choquant de voir notamment le secrétaire d’état au numérique, porter un T-shirt avec le logo Google en gros lors d’un match de foot sponsorisé pour une association. Je n’imagine pas l’émoi qu’aurait suscité un ministre de l’Agriculture avec un T-shirt vantant les vins californiens… Et ceci n’est que la partie anecdotique, en effet pendant tout son mandat, il n’a cessé de dire et de répéter, des contre-vérités, notamment qu’il n’y avait pas d’acteurs français à la hauteur sur ces sujets…

 

L’assassinat du numérique français, les preuves !

 

Je sais que mon titre de section peut choquer nombre d’entre vous ! Cependant, j’appuie mes accusations de faits, qui j’espère vous feront prendre conscience de l’étendue des actions de démolition entreprises.

Tout d’abord l’affaire emblématique du Data Hub Santé (Plateforme de Données de Santé), où l’équipe projet conseillée par une esn inféodée aux #MAGAF (#gafam) a choisi comme solution d’hébergement Azure de Microsoft. On croit rêver, mettre les données de santé de l’ensemble des Français sur une plateforme régit par la loi américaine ! Et le pire est l’intervention de Cédric O, disant qu’il n’y avait pas de solutions françaises au niveau, ce qui est un pur mensonge (Effisyn-sds. Les Echos, Twitter). Cet épisode n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’un lobbying intense et permanent des #MAGAF, qui peut interroger sur la pertinence et l’indépendance des choix effectués. Il serait bon de mettre le nez dans ces jeux d’influence pour s’assurer qu’il reste bien dans les limites de la légalité…

Cet épisode a eu au moins un mérite, celui de permettre à des acteurs clés du numérique français de se regrouper en collectif et de mener des actions médiatiques et de communication sur les réseaux sociaux qui commencent à porter quelques fruits… Il s’agit du collectif PlayFranceDigital.

Si cet exemple était symbolique, il y en a bien d’autres par exemple le choix par la BPI d’héberger les données relatives au Prêt Garanti par l’Etat sur AWS, d’Amazon (Effisyn-sds)… Des données financières sur l’état de santé de nos entreprises accessibles au pouvoir américain, qui nous mène une guerre économique. C’est au mieux de l’inconséquence… Je n’aborderais pas le cas de #Palantir pour l’APHP, nous sommes toujours dans la même ligne de conduite, le gouvernement et les hauts fonctionnaires n’ont plus aucun sens politique ou stratégique, ils se comportent comme de simples managers d’entreprises, simples exécutants sans vision !

Dans les autres exemples que je trouve critiques, donnez-moi le nom d’une seule des grandes Business School qui propose plutôt l’utilisation de solutions françaises ? Moi, qui ait eu l’occasion de fréquenter pour un enseignement « exécutif » la grande maison qu’est l’Essec, on propose d’utiliser Google Suite comme solution messagerie et collaborative. Bien entendu les tarifs pour ce type de prestations offertes par le géant américain, défient toute concurrence, et la beauté de ce positionnement c’est que les cadres et futurs dirigeants des entreprises françaises notamment passés par ces écoles sont habitués par l’utilisations des #MAGAF et verront donc leurs décisions futures prises à l’aune de ce biais cognitif. Or il existe de nombreuses solutions françaises qui offrent des solutions collaboratives.

La conclusion amère que je tire de ces quelques exemples emblématiques, c’est la vassalisation totale de nos élites dirigeantes aux technologies américaines… Même si nous avons quelques soubresauts de lucidité comme la note DNNUM qui indique aux administrations que l’offre Cloud O365 de Microsoft n’est pas compatible avec les directives gouvernementales, occasion que n’ont pas laissé passer à juste de titre 8 acteurs du numérique français (Communiqué de Presse).

 

Conclusion

 

Devant les actions menées par le gouvernement et l’attitude versatile du président, peut-on croire qu’il y a une réelle prise de conscience des enjeux liés à la souveraineté numérique ? Hélas à aujourd’hui la réponse est clairement non !

Nous devons profiter de l’élection présidentielle pour mettre la souveraineté numérique comme un thème de campagne transverse. En effet cela touche des aspects démocratiques (censure des réseaux sociaux, incitation à la haine, etc…), des aspects culturels, scientifiques et technologiques mais aussi économiques et d’emploi. Voulons-nous vraiment voir la France continuer de se paupériser ? Si la réponse est non, il faut donc prendre des mesures drastiques et variées.

Je rappelle la demande de PlayFranceDigital qui est de flécher 50% au moins des dépenses publiques vers les acteurs français. D’autres proposent la mise en place de quota comme pour la culture, ce qui est aussi une autre façon d’agir intelligemment.

Il faut aussi que l’ensemble des acteurs du numérique français apprenne à chasser en meute et établisse comme on peut le voir dans d’autres pays et d’autres domaines, un écosystème solide où les grands acteurs s’appuient préférentiellement sur des pme/pmi, ce qui consolide le tissu industriel et l’emploi dans notre pays.

On peut s’attendre aussi à ce que l’état, lorsqu’il est actionnaire majoritaire (les groupes industriels publics), impose l’utilisation des outils numériques souverains.

Je pense qu’il ne serait pas non plus déraisonnable de créer une boîte à outils législative qui pourrait contenir :

  • Des lois pour encadrer le lobbying équivalent à la loi transparence qui existe en santé, pour s’assurer qu’il n’y ait aucun abus, et que le lobbyisme ne tourne pas à la corruption.
  • Une législation avec un cadre extraterritorial afin de défendre nos intérêts, qui permettrait de lourdement sanctionner financièrement les entreprises étrangères qui ne joueraient pas le jeu
  • Une réglementation spécifique au numérique, pour rafraichir par exemple la notion de vente à perte (interdire tout service gratuit…)

Un des derniers points sur lequel nous pourrions agir, c’est l’éducation nationale, en mettant au programme une acculturation sur le numérique, ses enjeux économiques, sociaux et culturels, mettant en exergue ses avantages mais aussi ses dangers. Il serait bon aussi que l’ensemble des outils proposés aux élèves et/ou étudiants voient la généralisation d’outils souverains. En effet, c’est le meilleur moyen d’habituer à l’utilisation de nos outils, mais aussi de les désintoxiquer de l’utilisation des #magaf.

Même si le combat sera long, il doit être mené et nous sommes loin d’avoir perdu la guerre, mais il faut se remobiliser, cesser de se dévaloriser et d’avoir peur. Nous avons des atouts bâtissons notre futur !

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