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Meta, les campagnes publicitaires qui interrogent…

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Meta, les campagnes publicitaires qui interrogent

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de les voir, mais Meta a lancé depuis plusieurs semaines deux campagnes publicitaires sur les médias télévisuels. Ces deux campagnes publicitaires concernent deux produits, l’un existant, les lunettes connectées (avec Ray-Ban), l’autre en construction, le métavers. Aussi bien l’une que l’autre, sont dérangeantes. Nous allons essayer d’explorer pour quelles raisons ses deux campagnes sont dérangeantes, notamment dans ce qu’elles impliquent sans l’expliciter.

 

Les lunettes connectées

La thématique des lunettes connectées n’est pas récente, doit-on se rappeler de l’échec commercial pour le grand public des Google Glass, notamment compte tenu des risques liés aux applications envisagées (de nombreuses réticences liées aux applications envisagées, comme reconnaissance faciale en liaison avec les RS, pour connaitre les informations sur vos interlocuteurs…) Google s’est repositionné sur un usage professionnel qui a tout son sens (lien).

Mais les lunettes connectées grand public reviennent en force par le partenariat Meta, Ray-Ban et le groupe Essilor Luxottica. Meta a donc lancé une campagne publicitaire importante qui met en scène des personnages porteurs de lunettes qui prennent en photo des proches ou font des films en faisant remarquer que la diode indiquait que l’enregistrement était en cours, pour lancer le produit en Europe et en France. La question que l’on peut se poser, c’est qu’est-ce qui permet de croire que les risques d’atteinte à la vie privé ont fondamentalement changé ? La publicité, essaie de se montrer rassurante en indiquant qu’une MicroLED (rouge ?) permettait de savoir lorsque la personne porteuse de lunettes, prenait une photo ou filmait… Pensez-vous que dans une foule ou une assemblée importante vous arriverez à déterminer si on vous filme et qui vous filme ?

Par ailleurs ces photos ou vidéos, compte tenu des conditions générales d’utilisation de Meta (Facebook), seront-elles vraiment la propriété de celui qui a filmé, ou est-ce que cela deviendra la propriété de Meta, qui pourra ainsi les monétiser à loisir, ou permettre des utilisations frauduleuses en autorisant Clearview à les récupérer… Cette dernière vient d’être condamné par la CNIL a une amende de 20 millions d’euros et enjoignant l’entreprise de supprimer les données concernant des citoyens français (Lien)…

Je suis très inquiet quant à la direction que nous prenons et la société de surveillance continuelle, est-ce vraiment vers ce monde Orwellien vers lequel nous désirons aller ? Pensez à ce que des idéologies totalitaires comme l’écologisme ou le wokisme qui veulent abolir la frontière entre le privé et le public pourraient faire d’un tel outil à leur disposition… Pensez ce que serait un monde sans intimité… Comment s’assurer que nous ne pourrons être filmés facilement à notre insu ? Risque déjà prégnant avec l’arrivée des smartphones, mais qui ne sera que multiplié avec l’arrivée de ces lunettes…

 

Le Métavers

Il s’agit du deuxième volet de ces campagnes publicitaires lancées par Meta. Dans ce dernier cas, il s’agit plus de mettre l’eau à la bouche des futurs « clients » du métavers. En effet le produit en tant que tel n’existe pas, et Mark Zuckerberg a été moqué lors du lancement du métavers Horizon en France et en Espagne à cause d’un graphisme assez limité pour le dire poliment (Clubic – 22/08/22). Mais si cela prête à sourire, le contenu de la publicité force à se poser plusieurs questions.

La publicité souligne la possibilité d’accéder à des campus et amphis virtuels mais ces derniers sont-ils réellement un bon moyen de dispenser un enseignement ? Quelles interactions entre l’enseignant et ses étudiants et quelles interactions entre les étudiants eux-mêmes ? Quels impacts aurait un enseignement de plus en plus virtualisé sur la formation des cerveaux de nos enfants ? On le sait, l’écriture manuelle a une efficacité inégalée dans la capacité à apprendre, à comprendre et à prendre du recul. Que deviendront des générations de zombies biberonnés au virtuel ?

L’autre exemple, toujours dans le domaine éducatif, est celui d’étudiant ou d’élèves qui assistent à un moment historique reconstitué virtuellement le discours de Marc le romain comme si vous y étiez… Très séduisant de prime abord, comment mieux illustrer ces instants historiques, qu’en parcourant un champ de bataille avec Napoléon qui donne ses ordres ?

Cependant la première objection qui me vient à l’esprit, cette immersion dans une réalité virtuelle permet-elle de recevoir l’enseignement avec tout le recul nécessaire et le questionnement ? Ne risque-t-on pas de faire passer des événements, qui peuvent être perçus différemment selon les époques et les historiens, soudainement en réalité absolue ? Là encore je pense aux dégâts que pourrait faire l’idéologie woke dans sa volonté de réécrire et de réinventer l’histoire… Une nouvelle fois un gouffre Orwellien s’ouvre devant nous !

Le dernier exemple donné est celui de la possibilité aux chirurgiens ou aux médecins de se former… Idée innovante, non ? Le seul problème c’est que cela existe. De tels logiciels de réalité augmentée existent déjà et transforment l’approche chirurgicale et la formation des chirurgiens (InSimo, entreprise française) et nous avons des sociétés qui ont développé des solutions de chirurgies par réalité virtuelle, permettant d’être moins invasif, plus efficace (Pixee, entreprise française ou encore P3D, société portugaise). Sur cet aspect-là, le métavers est tout sauf innovant !

Et les critiques que l’on peut émettre sur le métavers ne s’arrêtent pas là, en voici quelques-unes, cette liste étant loin d’être exhaustive ! On peut s’interroger sur l’empreinte carbone du développement de tels univers virtuels, compte tenu des fortes capacités de calculs… Il y a toujours avec Meta, la question de la collecte et de la protection des données personnelles, imaginez-vous seulement le volume de celles-ci que pourraient recueillir Meta via votre avatar et son comportement dans le métavers ? Serait-il unique et donc monopolistique, ou serait-il interopérable avec d’autres métavers et comment se ferait le passage de l’un à l’autre ?

Il y a bien entendu la question de la cybersécurité, comment assurer un niveau de protection adéquat devant l’ampleur de ce monde virtuel ?

Une autre question pratique qui ne se pose d’ailleurs pas que pour le métavers, dans ce monde virtuel, peut-il, doit-il exister des frontières ? Les états peuvent-ils encore avoir une capacité de régulation ?

La crainte irraisonnée que l’on puisse avoir face à cette évolution du numérique, c’est la place de l’homme dans la réalité et son rapport au réel et à la nature. Allons-nous vers ces mondes décris par le cinéma ou le roman d’anticipation, comme La Matrice, ou Ready Player one ? Peut-on réellement considérer qu’il s’agit d’un progrès ?

 

Conclusion

Ces deux campagnes publicitaires interrogent et inquiètent. Doit-on aller dans une direction, simplement parce technologiquement c’est possible, ou ce le sera à brève échéance ? Nous avons encore une fois, la question des lignes rouges, peuvent-elles être dressées et maintenues ? Ces deux projets, avec le projet fou d’Elon Musk de l’interface neuronale, que risque-t-il d’en sortir, vers quel monde souhaitons-nous nous diriger ? Peut-on encore envisager d’autres alternatives, ou les choses se feront-elles parce qu’on peut le faire, et ce peu importe les questions éthiques ? Cette interrogation a été portée par Jacques Ellul et elle me parait toujours d’une criante actualité !

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