La souveraineté dans tous ses états…
La souveraineté, concept qui dans les discours publics a été popularisé plus particulièrement à l’occasion de la pandémie du covid-19, lorsque chaque français a pu constater que l’on n’était plus en capacité de fabriquer ne serait-ce que des masques ou du paracétamol ! Mais cela était vrai pour de nombreux autres produits ou secteur industriel.
Je profite de cet épisode estival pour alerter sur le fait que notre désindustrialisation et notre perte de souveraineté continue, et ce malgré les discours de nos gouvernants, ou même les titres ronflants donnés à certain ministères comme celui de l’économie et de la souveraineté industrielle et numérique !
numérique ! Je vous donnerais quelques éléments qui vous permettront de constater le gouffre toujours plus béant entre le discours au plus haut niveau de l’état et la réalité concrète sur le terrain !
Mais tout d’abord, il me paraît bon de rappeler pourquoi il est important de retrouver notre souveraineté industrielle, numérique, économique ou culturelle et qu’il ne s’agit aucunement d’un replis sur soi contrairement à ce que voudrait faire croire les opposants à ce concept, ceux dont l’idéologie est dominante notamment dans les sphères politico-médiatico-administrativo-économiques parisiennes.
La souveraineté est un élément important de résilience pour l’humanité de façon générale. Si l’on prend une métaphore biologique, une monoculture d’un type de maïs ou de blé rend la production sensible aux parasites ou maladies qui attaquent ce type de blé ou maïs… De mon point de vue, il en est de même pour l’économie et la technologie, vouloir uniformiser le monde avec une façon de penser ou concevoir l’organisation mondiale et économique, ne peut qu’induire une fragilité systémique ! (l’argument est faible) Par ailleurs, même si le sujet ne fait l’objet d’aucun consensus, la relocalisation de la production que celle-ci soit industrielle, numérique ou alimentaire serait une façon de réduire notre impact climat de façon globale, il est en effet inepte de vouloir réduire les voyages des personnes si nous continuons de faire parcourir aux équipements et biens de consommations des milliers de kilomètres inutiles !
Revenons au sujet principal qui est celui de l’avancement du concept de souveraineté. Où en est-on ? Pourquoi, je me montre pessimiste sur l’avancée réelle du concept face à la réalité de faits répétés qui pris isolément pourraient ne pas soulever plus d’inquiétude que cela, mais dont la répétition nous indique quelque chose, qui de mon point de vue est bien funeste !
Quels sont ces derniers événements qui ne sont bien entendu pas les seuls ?
Un premier exemple très concret de notre perte de souveraineté concerne bien entendu l’énergie ! La hausse de 10 % des coûts de l’électricité annoncée début août en est l’exemple typique. Cette augmentation des coûts de l’électricité artificielle (Les Rendez-vous de l’Actu – Nicolas Meilhan) est l’une des raisons qui provoquent un carnage parmi nos TPE et PME…
Pourtant des solutions existent, suspendre le mécanisme de l’arenh, comme le réclament depuis des mois différentes personnalités expertes du sujet, tout comme le recommande le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les raisons de notre perte de souveraineté énergétique (L’histoire du saccage de notre souveraineté énergétique, que dit le rapport d’enquête parlementaire?). Ne parlons pas de sortir des accords européens qui nous obligent à avoir le coût de production aligné sur la dernière centrale à gaz (Allemande…), alors que notre production nucléaire largement amortie nous permet d’avoir un coût bien inférieur… Mais surtout préférer la défense des intérêts industriels allemands telle est la devise de nos dirigeants, haut-fonctionnaires sans vision ni imagination !
Un autre exemple récent concerne un leader français du service numérique : ATOS. Dans une situation où le groupe s’est lui-même placé, probablement par manque de vision stratégique, il a été dans l’obligation de proposer une scission de ses activités en une branche Tech Foundations (Conseil & infogérance) et Eviden (cyber, IA et super calculateur). Or, bien que des investisseurs français existaient, ceux-ci ont été évincées au profit de Daniel Kretinsky (Tchèque) qui prendrait le contrôle complet de la branche Tech Foundations et entrerait au capital d’Eviden à hauteur de 7,5 % selon Challenges. Le plus inquiétant c’est qu’ATOS, joue un rôle clé dans la défense nationale, il est en charge de la sécurisation des communications de l’armée et des services de renseignement et de plus est le spécialistes de la simulation des essais nucléaires, une brique essentielle de notre dissuasion… Comme l’indique la biographie wiki de Kretinsky, ce dernier est non seulement un fervent partisan du libéralisme économique et culturel mais surtout un soutien de l’OTAN… Est-ce une mise en coupe réglée de nos intérêts industriels au profit des américains ? On est en droit de se poser la question.
Pour ceux qui pensent que la souveraineté serait à traiter au niveau européen, ce qui est un véritable non-sens, les nouvelles sur ce front ne sont pas meilleures. En effet quelques semaines après le renoncement de l’américaine Fiona Scott Morton au poste de chef économiste de la Commission Européenne face à une forte mobilisation contre cette candidature poussée par Margrethe Vestager et Ursula Von der Leyen (cette dernière empressée de satisfaire les américains avec en récompense sa nomination à la présidence de l’OTAN?), il semble qu’un proche de Fiona Scott Morton ait été approché pour ce même poste. Il s’agit de Florian Ederer qui dispose de la double nationalité Autrichienne (ouf, enfin un Européen) et Américaine (Caramba, encore raté !) ! (Le Figaro – 14/05/23). Il semble que notre assujettissement aux Américains soit plus que jamais dans les tuyaux, et cela ne peut satisfaire tout politicien qui veut voir l’Europe jouer un rôle dans le monde à venir !
Concernant le mode de fonctionnement de la Commission Européenne quant aux processus de recrutement, mais aussi de l’accord inique passé sur le transfert des données aux US sous prétexte d’une soi-disant adéquation entre les lois américaines et européennes ; Jean-Marie Cavada (vidéo), européen convaincu appelle à la création d’une commission d’enquête parlementaire !
On ne peut hélas que constater un gouffre entre le discours et les actes, et pourtant lorsqu’on le veut, on trouve des solutions qui pérennisent des sociétés que l’on avait été prêt à céder aux américains, comme Photonis, que le gouvernement a refusé de laisser acheter par Teledyne (US). La société a vu son développement industriel accéléré et consolidé pour le bénéfice de la BITD (Base Industrielle et Technologique de Défense).
Il est crucial de ne pas renoncer et de se battre becs et ongles pour conserver et accroître notre souveraineté industrielle et numérique, mais pas seulement. En effet, être souverain c’est quelque part faire preuve de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) en favorisant l’emploi local et la pérennisation des savoir-faire et des compétences, mais aussi en réduisant notre impact environnemental imposé par la mondialisation et ses chaînes complexes d’approvisionnement qui font que des produits font plusieurs fois le tour du monde. Une démarche souverainiste, est une démarche responsable qui n’a pas pour but de se fermer aux autres, mais de se mettre en capacité d’être dans des relations équilibrées d’échanges intelligents en limitant au strict minimum les rapports de dépendances mortifères !