Comment imposer la notion de souveraineté numérique ? C’est une question qui me taraude depuis un certain temps, avec une rechute aigue devant l’incurie et la soumission aux géants du numérique américain de notre gouvernement, comme l’a montré l’annonce du « Cloud de Confiance » de Bruno Lemaire.
Cette maladie française, la mésestime !
Pourquoi je trouve cette annonce de notre gouvernement très symptomatique ? Parce qu’une nouvelle fois le message est déplorable, nous devrions passer par le « Cloud de Confiance » parce que nous n’aurions pas d’autre solution que de passer par la technologie américaine… Qu’y-a-t-il derrière cette notion ? Il s’agit de demander aux #gafam de licencier leurs technologies à des acteurs français. Si cela résout en partie la problématique de souveraineté pour les données, cela ne nous protège pas de la suprématie technologique américaine.
En plus d’être fausse cette idée, revient à vouloir tuer dans l’œuf toute émergence possible de géant français du numérique, mature et technologiquement indépendant, et surtout veut entériner notre vassalité à l’Amérique.
S’il est vrai que sur certains plans technologiques, nous avons perdu notre expertise et des compétences, notamment sur les puces et processeurs, c’est loin d’être le cas dans d’autres domaines. Il est important à rappeler, que le succès de certains géants du numériques américains a été réalisé grâce à l’achat de brevets technologiques français (Apple pour les écrans tactiles…)
Il est aussi crucial de rappeler que dans le monde du logiciel les français sont une nouvelle fois assez prolixes et proposent des solutions qui sont devenues des références (VLC par exemple, ou encore Jitsi même si ce dernier a été racheté par une entreprise américaine…)
Donc clairement, il est faux de penser que nous ne sommes pas armés pour lutter contre l’hégémonie américaine, en tous les cas d’un point de vue compétence et capacité à innover.
Quelles conséquences ?
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’aborder dans plusieurs de mes articles (articles 1, 2, 3), la souveraineté numérique est un enjeux crucial. Et passer de l’exigence d’un cloud souverain à un « cloud de confiance » revient à baisser notre degré d’exigence en matière de souveraineté et à accepter le contrôle des Etats-Unis avec des conséquences nombreuses et variées, que je vais brosser rapidement.
Tout d’abord, les conséquences les plus évidentes sont économiques et industrielles. Ce sont des compétences qui finiront par nous échapper, des emplois détruits et ce dans l’industrie du futur… Ces conséquences bien qu’importantes et catastrophiques ne sont pas les seules.
Ensuite il la conséquence géostratégique est que nous sommes soumis aux désidératas américains qui nous dicteront avec qui nous sommes en droit de faire du commerce. Utiliser des briques technologiques industrielles américaines, pourrait nous empêcher d’avoir des marchés avec par exemple la Russie, l’Egypte, ou la Chine …Oui n’est-ce pas, difficile d’obtenir une licence de la part des Etats Unis pour obtenir des marchés qu’ils estimeraient contraires à leurs intérêts (Nous en avons eu l’amère expérience, notamment dans lors d’un contrat militaire avec l’Egypte qui n’a pu se concrétisé après signature, nos missiles avaient un seul élément américain, une puce, ils nous en ont interdit l’exportation).
Mais il est une autre conséquence, que l’on sous-estime, complètement tellement nous avons laissé faire. Ce sont des conséquences culturelles ! Le meilleur exemple, et l’un des plus emblématiques c’est notamment l’hégémonie des noms anglo-saxons dans l’industrie du numérique, que cela soit pour la terminologie technique, mais aussi dans les noms que nous attribuons aux solutions françaises du numérique. Ce détail peut paraitre mineur, à la limite du risible, mais cela influence la façon de penser, le modèle de société qui en découle et la disparition des spécificités culturelles.
L’ensemble de ces conséquences, montrent à quel point il est important de se battre pour maintenir notre souveraineté numérique, et que ce combat n’est pas seulement un combat économique et industriel même si cette partie est très importante.
Que faire ?
Je pense qu’il faut hélas acter que nos « élites » gouvernementales sont dépassées, sous emprise anglo-saxonne, et qu’attendre une quelconque initiative construite du gouvernement, est hélas assez illusoire. L’affaire, du Cloud de Confiance est emblématique sur ce point.
Il faut donc une mobilisation de l’ensemble des acteurs du numériques, c’est-à-dire les éditeurs de solutions française, les fournisseurs de services numériques, mais aussi les entreprises d’ingénieries et de conseil françaises. Mais n’oublions pas l’autre composante clé, les consommateurs, il ne faut pas oublier leur importance, si nous arrivons à les convaincre de se saisir de cette problématique et de leur proposer des solutions qui répondent à leurs besoins, une grande partie du combat sera alors facilitée…
Probablement faut-il aussi penser à ce que le collectif #PlayFranceDigital devienne une sorte de syndicat professionnel, avec pour mission de représenter les acteurs du numérique français. Avec dans ses missions la promotion de ces solutions, de la souveraineté numérique et de la protection des données de nos concitoyens. Dans les actions que nous pouvons envisager des actions de promotion classique, de lobbyings auprès des instances politiques françaises et européennes afin de proposer des solutions normatives renforçant vraiment la souveraineté numérique.
Une autre action serait d’appuyer le recours à des certifications permettant de caractériser clairement le label « #souveraineténumérique » des solutions. Il en existe un qui me semble approprié, et il a le mérite d’exister : « Sovereign Solution » de Privacy Tech …
Il serait important que les acteurs du numériques français s’en emparent, et par son utilisation permettent aux utilisateurs, prescripteurs d’usages de pouvoir établir clairement la nature souveraine des solutions et technologies utilisées.
Conclusion
Le chemin est ardu et le combat est difficile, cependant nous nous devons de relever le défi ! Nous avons encore une excellence française dans le domaine numérique, reconnue y compris par nos adversaires, puisqu’ils viennent faire leurs emplettes en rachetant nombre de nos Start-up pour en récupérer les brevets…
Il ne faut pas hésiter à utiliser les mêmes armes et se battre sur leur terrain ! Oui, il est temps de retrouver un esprit de conquête que nous avons laissé de côté ! Le retrouver ne suffit pas, il ne faut pas en avoir honte et il nous faut l’assumer ! Le combat est beau et il mérite d’être mené !