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L’open Source une vraie solution pour notre souveraineté numérique ?

Source: Pixabay

C’est le sujet que je souhaite adresser dans cet article. Il est cependant complexe et probablement ne fera pas l’unanimité, mais permettra une prise de conscience des enjeux et probablement par l’ouverture des discussions une meilleure appréhension du sujet.

Open Source, logiciel libre, quels sont les éléments clés à retenir ?

Pour mieux comprendre il va falloir distinguer en fait les deux notions, celle de l’Open source et celle du logiciel libre.

La désignation d’Open Source, désigne des logiciels qui respectent des règles strictes établies par l’Open Source Initiative, permettant la libre redistribution, l’accès au code source et la création de travaux dérivés. L’une des composantes principales de l’open source est le noyau de Linux, OS (Operating System) qui se veut concurrent de l’OS Microsoft ou Apple. Il est à noter, que le noyau de l’OS Android est lui aussi basé sur du Linux.

Il y a d’un autre côté, le logiciel libre, Free Software, qui diffère principalement de l’open source par ses aspects philosophiques. Là où l’open source se focalise sur des aspects techniques et permet l’utilisation de système imbriqué libre/propriétaire, au contraire du logiciel libre se focalise sur les aspects plus philosophiques. Cependant dans les faits, la plupart des logiciels open source sont des logiciels libres.

Ce qu’il est important de comprendre c’est que les licences libres GNU/Linux sur lequel sont basées l’open source ou le logiciel libre, sont détenues par la fondation Free Software Foundation organisation non gouvernementale, fondée par Richard Stallmann, basée à Boston USA. Cette fondation a créé une série de licences GNU GPL, LGPL et FDL avec comme principe fondateur la notion de copyleft. Tout ceci permet donc à n’importe quel codeur de partir de sources existantes à partir du moment où il laisse cette même autorisation de partir de son travail sans restriction additionnelle.

Le noyau Linux, même si compatible avec le modèle de licence GNU est lui détenu, en termes de propriété intellectuelle par la fondation Linux basée maintenant à San Francisco.

Le point clé dans ce que nous venons de voir, c’est que les droits de propriétés intellectuelles initiaux sont détenus par des fondations, qui sont des entités américaines. Et même si le même principe d’accès libre aux sources et à leurs libres utilisations les anime, que se passerait-il si le gouvernement américain décidait que ces licences ne pouvaient plus être distribuées librement ?

Quels enjeux ?

Comme nous avons pu le voir dans le tableau que j’ai brossé rapidement sur le monde du logiciel libre et open source, un certain nombre de questions s’ouvre à nous… L’open source ou le logiciel libre sont-ils une alternative sérieuse, il y a-t-il une vraie indépendance vis-à-vis des instances politiques ?

De plus il est à noter qu’environ 78% des distributions d’Open Source sont américaines, ce qui accroit une dépendance déjà importante à la technologie américaine.

L’IP (Propriété Intellectuelle) étant détenue par la fondation du logiciel libre, elle est donc soumise au droit américain. Même si le risque parait faible, compte tenu des tensions commerciales notamment sino-américaines et la capacité du gouvernement américain à s’affranchir de toutes les règles internationales, on pourrait se retrouver dans une situation inextricable.

Je ne prétends pas détenir la vérité sur les risques présentés par l’Open Source, sont-ils réels ou fantasmés ? Quel est le pouvoir du gouvernement américain pour terminer l’esprit de l’Open source et du logiciel libre ? Quelles conséquences ?

Mais compte tenu de l’évolution de notre monde en ces périodes troubles, elles me semblent pertinentes à poser. Ce d’autant plus qu’en France, mais aussi dans d’autres pays, nombre d’administrations ont fait le choix du logiciel libre, que pourrait-il advenir ?

Compte tenu de la guerre commerciale menée par les américains envers la Chine, notamment contre leurs acteurs du numérique, après l’interdiction faite à Google et autres de vendre leurs solutions sous licence, n’y-a-t-il pas un risque que le gouvernement américain franchisse une étape supplémentaire et interdise le partage du noyau Linux ?

Perspectives

Devant l’augmentation de la conflictualité commerciale ou même militaire, il est important d’ouvrir les yeux. Il n’est jamais trop tard pour réagir, et ce n’est pas parce que le retard pris en apparence semble irrattrapable qu’il faut baisser les bras.

Si l’open source ou le logiciel est une alternative meilleure que les gafam pour gagner en souveraineté, il reste à clarifier la question de la propriété intellectuelle liée à la licence GNU du logiciel libre. En effet que se passerait-il si le gouvernement américain souhaitait interdire l’utilisation des logiciels libres dans le cadre de de sa guerre commerciale avec la Chine. En aurait-il le droit et le pouvoir ? Quelles en seraient les conséquences sur le futur du numérique ? C’est une question à laquelle je ne peux répondre, et que beaucoup balaieront d’un revers de main. Mais est-elle pour autant complètement inepte ?

La réponse se trouve peut-être dans l’initiative de deux entreprises françaises qui sont Hyperpanel et Tecwec System SA .Elles ont fait le choix de développer des OS indépendants en suivant deux philosophies différentes mais pour des résultats des plus intéressants et prometteurs. Je trouve ces initiatives d’autant plus intéressantes dans le cadre de notre questionnement sur notre souveraineté numérique. Il est en effet critique de maitriser cette couche basse tant sur nos outils personnels que dans le cadre des serveurs de nos data centers.

Il devient primordial que nos acteurs du numériques français, se rapprochent et ouvrent de nouvelles collaborations, évitent de développer des solutions très proches qui ne font que se concurrencer sur un marché national limité. Il serait intéressant de voir des rapprochements s’effectuer pour une proposition de services plus mature. Il me parait important et souhaitable de voir une consolidation s’effectuer mais aussi des partenariats se créer entre les différentes couches de notre souveraineté, logicielle, hébergement mais aussi OS…

En conclusion

Notre souveraineté numérique est un enjeu crucial. Le chemin pour y parvenir est long et parsemé d’embûches. Il nécessite une vision à long terme, ce qui tranche avec la vision managériale court terme que l’on peut observer dans nos sociétés occidentales hyper financiarisées.

On peut cependant constater que d’autre pays ont pris, et prennent en main leur destin en étant sur le temps long, comme la Chine par exemple. Qui, il y a encore 10 ans voyait la Chine comme un challenger sérieux des géants du numérique américains ? On peut citer aussi l’exemple de la Russie qui a pris ces dispositions pour que son réseau internet puisse continuer fonctionner en autarcie. Et en cas de conflits économiques ou même pire militaire cela leur permettra de conserver leur capacité opérationnelle civile…

Il est donc important que les pouvoirs publics français et européens prennent conscience des enjeux économiques et géopolitiques qui se cachent derrière l’ensemble de ces thématiques, et de l’importance qu’il y a à se battre pour notre souveraineté numérique. Il serait intéressant d’un voir un organisme de veille technologique et juridique qui permette aux entreprises et aux administrations de faire un choix éclairé lorsqu’ils veulent s’équiper en solutions digitales que celles-ci soient du logiciel libre ou non.

 
 

2 Comments

  1. Merci pour votre article. C’est la première fois que je tombe sur l’argument du fait que le gouvernement américain puisse interdire la libre diffusion de logicielle sous licence libre au titre que la propriété intellectuelle soit basée aux États-Unis.
    Je ne sais ce qu’en dirait Richard Stallman ?
    Je pense qu’en termes pratiques, cela est peu probable. En termes légaux, est-ce réalisable ?
    En tout cas, il s’agit de démêler copyright, dans ce cas copyleft et propriété intellectuelle.
    Comme le mentionne bien cette page : https://www.state.gov/intellectual-property-enforcement/
    Un des outils pour protéger une création comme le définit la propriété intellectuelle est le copyright.
    Si l’on prend la FAQ de la licence GPL, https://www.gnu.org/licenses/gpl-faq.html aucune mention de propriété intellectuelle mais bien de copyright.
    Donc, le serpent semble se mordre la queue… comment un gouvernement peut-il protéger la propriété intellectuelle d’une œuvre dont le copyright est de par sa licence transformé en copyleft, sans trahir la licence même ?
    À moins que cet État ne soit plus un état de droit, cela me semble inenvisageable, et dans un tel cas contestable sans grande remise en cause…

    1. Merci, beaucoup pour votre retour, qui apporte des éléments qui ne peuvent qu’enrichir la réflexion sur le sujet. Votre approche permet de constater que le risque est faible mais pas inexistant…

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